30 janvier 2020
Aujourd’hui, on constate
l’omniprésence des chiffres et l’importance qui leur est accordée, et ce dans
tous les domaines. Qu’ils soient sous forme de sondages, de statistiques, de
« likes », de partages, de commentaires, de personnes ciblées, on
remarque qu’ils sont utilisés pour donner de la valeur, du sens, voire pour convaincre
un certain public.
Communiquer en s’appuyant sur
les chiffres est une pratique répandue. Dans nos sociétés, ils ont un pouvoir
d’influence particulièrement étonnant. Le professeur de Sciences politiques à
l’IEP de Lyon, M. Paul Bacot énonce d’ailleurs dans ce cadre, le certain
« prestige », que nous accordons aux chiffres, dans le sens où ils
concèdent au locuteur, à la campagne, à un article, une image « de
rigueur » et de véritable maîtrise du sujet. Lorsque nous accédons à des
données chiffrées, qu’une information elle-même est appuyée par des chiffres, notre
réaction consiste généralement en premier lieu à y adhérer. En effet, en recevant
une information chiffrée, nous pouvons spontanément raisonner ainsi : Les
chiffres sont issus de calculs, de faits objectifs, la marge d’erreur est
relativement faible ; qui plus est, en présentant au public ces chiffres, l’auteur
de l’exposé ne pourrait prendre le risque de tromper, ou de mentir.
Convaincre ou manipuler ? : Rester vigilant, face à l’utilisation
des chiffres
Des chiffres mal sourcés, calculés ou sciemment orientés peuvent
conduire à la désinformation voire à la manipulation. Le public en a conscience
– l’expression populaire « On peut faire dire aux chiffres le tout et son contraire »
en témoigne –, tout en leur accordant de manière spontanée beaucoup de
crédibilité.
Si les chiffres ne sont pas indispensables pour appuyer un propos, il
est préférable d’utiliser cet outil avec prudence. Les chiffres font appel à
notre esprit rationnel ; peu de personnes par exemple sont tentées
d’entrer dans un restaurant vide, et à l’inverse un même lieu particulièrement
fréquenté inspire confiance et attire. La persuasion fait appel aux sentiments,
à l’émotion, tandis que les chiffres font appel à la raison pour convaincre et viennent
à l’appui du discours.
Les chiffres publiés peuvent être réels, arrangés, inventés, et en
parallèle certains chiffres ne seront pas communiqués. L’intérêt d’une
diffusion des chiffres est à débattre. Une petite entreprise n’est pas tenue de
publier ses comptes annuels si ses résultats ne dépassent pas un certain seuil,
elle s’affranchit ainsi de certaines démarches et évite de renseigner le
public, ses clients et ses concurrents sur sa situation. Sans commentaires pour
accompagner les chiffres, ceux-ci pourraient être sujet à interprétation et
donner au lecteur une impression erronée, qu’elle soit positive ou négative.
À l’inverse, « trop de chiffres tuent les chiffres ! ».
Si les ignorer constitue une erreur, les mettre trop en valeur ou les
utiliser en toute occasion constitue un danger car ils ne sont pas à l’abri
d’une interprétation. Nous pouvons ici rappeler un exemple désastreux de
communication basée sur les chiffres. Lorsque la société Uber admit la
commission de 6 000 viols et agressions sexuelles en deux ans aux États-Unis,
elle déclara :
« Ces incidents ont été signalés sur 0,00002 % des courses.
Bien que rares, ces signalements représentent tous un individu qui a partagé
une expérience très douloureuse. Même un seul signalement serait un signalement
de trop ».
Il est vital pour une entreprise de conserver un regard critique sur les
chiffres, de les manier de façon pertinente et surtout de les communiquer
convenablement. Il était ici mal venu d’évoquer un pourcentage réduisant les
victimes au nombre 0,00002 %, qualifié immédiatement d’insignifiant
par les récepteurs de l’information. La dernière phrase, pourtant empathique,
ne sera pas prise en compte ; l’attention restera fixée sur le chiffre
employé et l’argument qu’il sous-tend : Il y a peu d’agressions par rapport au nombre de courses. Les
agressions existent pourtant bel et bien.
La communication par les nombres peut donc s’avérer contreproductive,
démoralisante, voire brouillonne. Assurément, lorsqu’il y aura abondance de
chiffres, le discours semblera flou et les chiffres les plus importants et les
plus positifs seront « noyés dans la masse », éludés ou oubliés.
Le Data StoryTelling ou l’art de faire parler les chiffres :
les bénéfices d’une communication par les chiffres maitrisée
Un chiffre ne peut constituer un message à lui seul, il doit
s’accompagner d’un commentaire, d’une analyse. C’est pourquoi il est
indispensable d’identifier le ou les messages qu’il véhiculera. Que ce soit
pour évaluer une activité, une action, pour surveiller un point etc., le
chiffre n’est là que pour appuyer.
Une communication efficace et maîtrisée basée sur cet outil permet de :
- Gagner en crédibilité.
- Susciter un intérêt particulier pour vos
activités.
- Se démarquer.
- Valoriser votre image.
- Donner plus de sens à vos propos et vos
activités.
- Stimuler la motivation de vos propres
employés et ainsi augmenter leur performance.
Utiliser le story telling, c’est tout d’abord s’appuyer sur un
contexte particulier, qui va expliquer un chiffre clé ou faire comprendre une
tendance. Un chiffre ne doit jamais être présenté seul, sa portée aura ainsi
plus de poids, à l’image par exemple de la campagne d’affichage de la fondation
Abbé-pierre :
Afin de capter l’attention des
récepteurs de ces chiffres, il convient d’éviter le Data puking et de
privilégier des chiffres clés et pertinents. Il est nécessaire quand c’est
possible, de se concentrer sur les ordres de grandeur plutôt que sur des
chiffres exacts que l’esprit assimilera moins aisément.
En dernier lieu, savoir
communiquer, c’est aussi avoir la capacité de se mettre à la place de son
« auditoire » en se posant les bonnes questions : Que va-t-il faire des résultats
publiés ? Les données chiffrées vont-elles lui inspirer confiance, une
prise de décision, une opinion différente ?
Nous pouvons terminer cette
analyse par une citation de Kilian Bazin co-fondateur de Toucan Toco :
« Le datastorytelling est dans l’entreprise ce que le data journalisme est dans la vie
publique, c’est-à-dire la démocratisation de l’accès à l’information, en
racontant des histoires, avec les chiffres ».