La
crise sanitaire que nous connaissons depuis le printemps aura eu un effet
concret sur l’organisation du travail. Elle a mis en lumière ce qui, avant,
demeurait limité : le télétravail (17% des actifs y avaient déjà eu
recours avant le premier confinement[1],
seulement 12% télétravaillaient au moins un jour par mois, il y a huit ans[2]).
Par
effet de cliquet, il est depuis venu s’imposer. Certains grands groupes ont
annoncé sa généralisation, comme PSA, souhaitant, dès lors, revoir en
profondeur leur organisation. Côtés salariés, même s’il ne s’applique pas à
tous, le télétravail a suscité un certain engouement (44% des actifs ayant pu
télétravailler au printemps l’ont fait, 79% souhaiteraient y recourir plus
souvent[3]).
Pourquoi devriez-vous porter une attention particulière aux
conséquences de cette nouvelle organisation ? :
Ce
plébiscite ne doit pas occulter les risques liés à sa pratique. Car si cette
nouvelle organisation a nourri nombre de débats et occupé le temps médiatique, la
conjugaison d’effets inhérents représente autant de facteurs de crises pour
l’entreprise qui n’ont cependant été peu observés.
Pour l’employé, travailler en dehors d’un
espace de travail destiné par essence à cet usage fait naître de nouveaux
enjeux physiques et psychologiques. La moindre distinction entre univers
personnel et professionnel, la « néotaylorisation »[4] et le surcroit de travail constaté
associés à l’absence de lien social et la dégradation des relations (40% des
télétravailleurs[5]) laissent présager un accroissement des
risques psychosociaux (burn-out, arrêts de travail…). Et les nouvelles
conditions du deuxième confinement (maintien de l’école) ne les ont pas
réduits : « On est reparti à l’identique, sans
prendre le temps de stabiliser de nouveaux modes de fonctionnement à
distance, note Natalène
Levieil, spécialiste des risques psychosociaux au sein du cabinet LHH
(ex-Altedia). En mars, on
avait vu venir les problèmes d’isolement pour les personnes fragiles, ou de
chevauchement vie privée-vie professionnelle, mais on n’avait pas anticipé la
montée des tensions au sein des équipes »[6].
Dans
un premier temps, ces risques psycho-sociaux sont couverts par les organismes
sociaux : les indemnités journalières versées en cas d’arrêt maladie ont
augmenté de 29,9 % entre janvier et août, pour l’Assurance Maladie[7]. L’entreprise
pourraient néanmoins en subir les répercussions sur son organisation (moindre
mobilisation disponible) et, à moyen terme, sur ses finances (hausse des
charges sociales, procédures juridictionnelles…).
Le télétravail, par ailleurs, étend la
responsabilité de l’entreprise aux accidents du télétravailleur à domicile.
L’employeur, étant tenu vis-à-vis de ses salariés à une obligation de sécurité
de résultat, doit prendre les mesures nécessaires pour préserver leur santé et
assurer leur sécurité.
« Le Code du travail prévoit expressément, pour
l’employeur, les mêmes obligations en matière de prévention des risques
professionnels à l’égard de tous ses salariés, y compris ceux en télétravail.Ainsi,
l’accident survenu sur le lieu du télétravail pendant l’exercice de l’activité
professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au
sens des dispositions de l’article L. 411-1 du Code de la
sécurité sociale. Si l’employeur
peut contester le caractère professionnel de cet accident, il est en pratique
difficile pour lui de démontrer qu’il a eu lieu en dehors du temps de travail
ou est dû à une cause totalement étrangère au travail. » Maîtres Benoît Charot, Olivier Rivoal et Yéléna
Nobou, avocats[8]
L’absence
d’universalité du télétravail annonce un autre écueil. Le fossé pourrait se
renforcer entre les postes pouvant en bénéficier et les autres. Cette nouvelle
distinction cols bleus / cols blancs touche la société dans son ensemble. Pour
les entreprises concernées le sujet est tout aussi primordial ; « cette crise accentue la
fracture sociale », confirme, ainsi, Christophe Debien, psychiatre et
responsable de pôle au Centre national de ressources et de résilience (CN2R)[9]. Celle-ci génère une rupture de la confiance et
de l’écoute entre les employés et leur management qui se révélera préjudiciable
en situation de crise.
Les
risques intrinsèques apparaissent plus évidents. L’organisation en distanciel
complexifie et impacte la sécurisation des données. Les télétravailleurs ont
chez eux recours à des connections Wi-Fi non-sécurisées.
« Avec
le télétravail, il arrive que les employés se connectent au système
informatique de la mauvaise manière » Alessandro Roccati
Senior VP de Moody’s coauteur de l’étude sur la hausse des cyberattaques contre
les banques durant le confinement[10].
Le
point vient s’aggraver pour ceux qui choisissent un lieu public à la merci des
regards indiscrets. Il est ici intéressant de noter que les employés des jeunes
entreprises sont plus négligents vis à vis des données sensibles. D’après une
étude du spécialiste du stockage et de la gestion d’informations, Iron Moutain,
parmi les employés sondés au sein de ces entreprises, 48% admettent avoir
laissé des documents sensibles à la vue de tous dans un bureau, les avoir
traités négligemment ou même les avoir oubliés ou égarés dans un lieu public. Soit
deux fois plus que dans les sociétés plus établies (23% des employés)[11].
De
nombreuses organisations tolèrent, par ailleurs, d’autres mises en péril :
l’utilisation de messageries personnelles pour l’échange de documents
professionnels (50 % des télétravailleurs) ou leur non-destruction (19 %
d’entre eux jettent leurs documents à la poubelle)[12]. Au
delà d’évoquer l’ampleur de la menace des cyberattaques – elles ont triplé
contre les banques pendant le premier confinement[13] – les
organisations doivent accroitre leur vigilance face à cette mise à disposition
de données sensibles supplémentaire.
« Les entreprises laissent leurs employés utiliser
leur ressource la plus précieuse, à savoir leurs données, en dehors du bureau
sans même leur offrir les moyens d’appliquer les meilleures pratiques de
gestion de l’information, notamment de stockage et de destruction sécurisés. Il
est essentiel qu’elles étendent leurs procédures de gestion de l’information à
leurs télétravailleurs et salariés distants. Et pas seulement pour leurs
données numériques, mais aussi pour leurs documents papier, tout aussi
susceptibles de tomber entre de mauvaises mains » alertait
dès 2013, Marc Delhaie, Président-Directeur général d’Iron Mountain France[14]
Concomitamment,
les conditions de travail évoquées rendent plus difficile le respect des normes
(droit du travail, RGPD, réglementations sectorielles particulières…). Dans
l’urgence, la vigilance portée à la conformité se réduit générant de nouveaux
risques pour l’entreprise. « L’employeur
est sans conteste le responsable du traitement des données personnelles,
rappelle Maître Jérémie Giniaux-Kats, avocat. Si, le salarié peut engager sa responsabilité en
cas de non-respect des dispositions d’une charte informatique, d’une clause de
confidentialité ou d’une charte du télétravail, en cas d’amende prononcée par
la CNIL, seul l’employeur sera tenu par la condamnation pécuniaire et ne
disposera d’aucune action récursoire contre un salarié fautif.[15]
« L’employeur doit redoubler d’efforts pour assurer la sécurité des données personnelles qu’il permet à ses salariés de traiter, lorsque ces salariés travaillent hors les murs », Maitre Jérémie Giniaux-Kats, Avocat.
Que retenir et comment mieux anticiper les crises en tenant compte de cette nouvelle organisation ?
Le télétravail, décision
collatérale au premier confinement, s’est imposé de lui-même. Ses écueils sont
essentiellement apparus empiriquement. La conjoncture exceptionnelle n’a pas
permis d’alternative. Il demeure néanmoins essentiel d’éviter l’accumulation de
nouveaux risques dans la perspective d’une crise.
Dans chaque organisation, la
manifestation d’une crise exogène à l’entreprise comme la crise sanitaire liée
au Covid-19 doit alors générer un ensemble de réflexes incontournables :
>> la constitution d’une cellule d’anticipation dès
l’annonce des premières mesures
>>
l’ouverture de la cellule de crise avec des rôles clés répondant à des missions
précises
>>
l’allégement des agendas des membres de la cellule afin qu’ils puissent
pleinement s’y consacrer
>>
la cartographie des risques et l’analyse des évolutions défavorables corollaire
>>
la bonne prise en compte de toutes les parties-prenantes en apportant un appui
particulier au dialogue et à la communication interne, éléments clés pour
éviter que des univers à deux vitesses et un climat social dégradé ne
viennent s’ajouter aux facteurs de risques déjà identifiés.
La négligence de ces procédés de
gestion de crise pourra à tout moment transformer ces exemples en nouvelles
menaces pour l’entreprises sur les plans organisationnel, juridique, financier
et réputationnel. A tout le moins, ils constitueront pour une crise potentielle
des facteurs aggravants qu’il convient d’anticiper.
« il fait partie du noyau dur de
la cellule de crise » déclare Emmanuelle HERVÉ.
Emmanuelle HERVÉ, directrice générale et
fondatrice du cabinet EH&A Consulting, est intervenue aux côtés de Émilie
BERTHIER, responsable juridique au sein d’Auchan Retail International à
l’occasion du webinaire intitulé « le juriste manager de crise », organisé
par l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) et en partenariat
avec We Law Care.
Lors de cette intervention, Emmanuelle
Hervé est revenue sur le rôle du directeur juridique au sein de la cellule de
crise.
Une cellule de crise est ouverte lorsque
le comité exécutif (COMEX), en prenant appui sur un système d’aide expert à la
décision (ou trigger), qualifie la situation de « crise ».
C’est dans ce contexte qu’Emmanuelle
HERVÉ décrit « le noyau dur de la cellule de crise »,
autrement dit les trois fonctions indispensables à la cellule de crise :
Le
directeur de la cellule de crise ;
Le communicant ;
Le
juriste (ou directeur juridique).
Pour Emmanuelle HERVÉ, ces
trois fonctions, sont le « minimum vital » chacune ayant un
rôle précis.
S’agissant du directeur juridique, elle
précise qu’il ne faut pas hésiter à expliquer cette bonne pratique au COMEX
s’il y a une hésitation.
En effet, Emmanuelle HERVÉ assure qu’il est
fondamental de s’entourer des fonctions adhoc au sein de la cellule de crise
car c’est le « cœur de la méthodologie de la gestion de crise »
afin de « prévoir toutes les dimensions de la crise ».
Dans le cas du directeur juridique, son
rôle est nécessaire pour plusieurs raisons.
« Le juriste est le garant des actifs de
l’entreprise », déclare Émilie BERTHIER.
Le directeur juridique est un juriste. Il
doit apporter son expertise sur des éléments techniques (procédure,
responsabilité etc.)
Le directeur juridique est un garant. Son
expertise aura pour but de garantir, de protéger les actifs de l’entreprise, c’est-à-dire
la réputation, les produits, les clients, les locaux de l’entreprise concernée.
Le directeur juridique devra agir de
manière neutre, objective et bien sûr par priorité tant les tâches seront
nombreuses.
Afin d’être le plus performant possible,
le directeur juridique, comme toute personne de cellule de crise faisant partie
du « noyau dur » pourra, avoir recours à des sous-cellules.
C’est un « chef d’orchestre », précise Émilie BERTHIER.
Le directeur juridique va s’armer de
compétences, s’entourer de personnes (qui composeront les sous-cellules). Ces
personnes pourront être des avocats spécialisés dans une branche du droit par
exemple.
Le directeur juridique administrera
alors cette sous-cellule comme un véritable « chef d’orchestre ».
Toutefois, ne voyez pas la dimension
juridique, ne faisant pas équipe avec le reste de la cellule de crise, car
cette vision est totalement erronée.
En effet, « un maillage avec l’équipe de
communication »
est nécessaire comme le confirme Émilie BERTHIER.
Ce maillage permettra d’organiser la
communication avec les parties prenantes (ou stakeholders).
En effet, la difficulté à communiquer
avec les parties prenantes repose dans la prise en compte des engagements
contractuels avec les différentes parties prenantes : clients,
consommateurs etc.
Dès lors, l’objectif sera d’accorder la
communication avec les engagements contractuels, engagements juridiques.
Mais alors, pourquoi le juridique ne
communiquerait-il pas directement ?
Émilie BERTHIER nous précise que « le
directeur juridique ne se substitue pas à la communication ».
Chacun doit respecter son rôle car le
métier de communicant est très particulier, et à part de celui de directeur
juridique.
Pour finir, le directeur juridique se doit
de réagir rapidement et de se baser sur les faits afin d’établir les risques
pour les dirigeants.
Un bon contrôle du stress et une grande
faculté d’anticipation sont des compétences nécessaires chez un directeur
juridique.
Retenons qu’il est fondamental de
choisir les bonnes personnes au sein de la cellule de crise, avec des profils
différents et des antécédents différents (communication, juridique etc.) Le
directeur juridique a un rôle vital à adopter dans une cellule de crise, et
doit agir de manière neutre et objective. Il doit également donner un éclairage
juridique sur l’ensemble des points qui vont être abordés.
Par définition la crise est un événement inattendu. Cette soudaineté rend les équipes de gestion de crise tendues, sous pression, entraînant alors une fatigue. Cependant, la plupart du temps, cette pression se vit sur un laps de temps, généralement court. La fatigue accumulée bien qu’importante cesse dès lors que la crise est finie.
Toutefois, ce postulat de départ n’est pas valable dans le contexte actuel, les équipes de gestion de crise entrent dans leur 7ème mois ! Le 17 mars 2020, la population française connaissait un premier confinement. Le 28 octobre 2020 Emmanuel Macron annonçait la mise en place d’un nouveau confinement. En somme, la crise sanitaire est longue, fastidieuse et ne semble pas connaître une date de fin dans un futur proche. Ainsi, dans ce contexte d’incertitude, ménager son équipe de gestion de crise est une priorité pour le leader d’une entreprise afin de tenir sur le long terme.
Cela est d’autant plus vrai que les conséquences
de cette fatigue peuvent aller crescendo : ambiance de travail
pesante, démotivation, sentiment de solitude, manque de réactivité,
non-détection des signaux faibles, autre crise non-détectée etc…
Les employeurs qui hésitent à s’investir pour la santé psychologique risquent d’en payer le prix fort une fois la crise sanitaire passée, avec le départ et le désengagement progressifs de leurs équipes. – Christophe Nguyen, Président Empreinte Humaine, associé psychologue du travail.
Afin d’éviter cette fatigue accumulée nous vous proposons plusieurs pistes : Veillez à faire une mise au point sur ce qu’il s’est passé. L’utilisation du retour d’expérience (RETEX) est l’occasion pour vos équipes de gestion de crise d’observer ce qui a été fait et d’en tirer des conclusions. Ce RETEX vous permettra de prendre du recul sur les évènements qui ont eu lieu et de modifier le rythme de travail dans lequel vos équipes de gestion de crise se trouvaient. Autrement dit, vos équipes de gestion de crise ne seront plus dans l’anticipation de la crise (situation avant le RETEX) mais seront plutôt sur la réflexion et l’étude de ce qui a été fait pour gérer la crise (RETEX).
N’hésitez pas à communiquer de manière fluide. Vos collaborateurs doivent savoir ce que vous pensez et comment vous pensez. Cela permettra de ne pas les surprendre par une décision ou un comportement inattendu qui pourrait être source de tension. Veillez à ce que vos équipes de gestion de crise ne soient pas démotivées. Cela passe par plusieurs choses : la reconnaissance du travail effectué, l’empathie et l’écoute, la création d’un véritable lien social et l’allègement des objectifs.
Reconnaître
le travail effectué et remercier.
La reconnaissance du travail effectué lors de la crise sanitaire peut paraître
évidente de prime abord. Toutefois, il est bon de rappeler que le leader de
l’équipe de gestion de crise se doit de le préciser. Le leader qui ne dit jamais
« merci » ou « bon boulot » est à proscrire.
Faire
preuve d’empathie et être à l’écoute.
A travers cette pandémie mondiale, on s’aperçoit que les sphères privé et
professionnelle sont toutes les deux concernées. Par conséquent, le leader
doit être empathique et à l’écoute aussi bien s’agissant de la vie personnelle
que de la vie professionnelle de ses employés. Toutefois, la difficulté
réside en ce que le leader devra s’enquérir de chacun de ses employés mais sans
s’immiscer dans le cocon familial.
En pratique, le leader doit être capable
de comprendre que les employés peuvent être malades, démotivés, fatigués,
tendus, stressés mais aussi que les employés n’ont pas nécessairement les
moyens et/ou un endroit où travailler correctement. Ne pas prendre en compte
des enfants en bas-âge ou bien le manque de place dans un logement (tel qu’un appartement
parisien) peut être un manque d’empathie.
Créer
du lien avec les membres de votre équipe de gestion de crise. La création de ce lien social peut
passer par l’aménagement de groupes de conversation. Par exemple, des conversations
« machine à café » sur Skype peuvent être créées afin d’entretenir
le dialogue, garder un contact visuel (à travers l’activation de la caméra), vérifier
que l’équipe se porte bien, observer le comportement non verbal. Cela permettra
à vos collaborateurs de bénéficier d’un espace de détente informel assurant
le suivi relationnel de l’équipe de gestion de crise.
Diminuer
ses propres attentes, alléger et déléguer les missions. Il faut retenir qu’en temps de crise,
les collaborateurs sont sans cesse sollicités. Le leader sera donc peut être
amené à être plus flexible et confier des missions avec des objectifs moins
importants qu’en temps normal, à alléger les charges de travail et/ou déléguer
les missions. Ne soyez pas ce donneur d’ordre qui n’a que faire de ses
collaborateurs et ordonne impunément de faire telle ou telle mission en un
temps record !
En outre, les collaborateurs doivent veiller à entretenir une vie saine. Manger correctement et de manière équilibrée, entretenir son corps et son esprit via des activités sportives, culturelles, en somme des activités de loisirs. Enfin, il est primordial de prévoir des suppléants aux membres permanents de l’équipe de gestion de crise. Cela permettra d’organiser des bordées, de pouvoir être absent, en sachant que quelqu’un prend le relais.
Si la résilience de l’entreprise repose
sur la présence de quelques hommes ou femmes, alors elle est faible, une
redondance doit être possible, sur tous les rôles. Cette idée ressort directement des
plans de crise qui prévoient naturellement cette idée de suppléant aux membres
permanents afin d’assurer de manière continue la gestion de la crise.
Globalement, l’ensemble de ces conseils peuvent
être regroupé sous un seul et même mantra : être humain et bienveillant
envers vos équipes de gestion de crise.
« La conjugaison de nos trois
métiers peut permettre à des sociétés victimes de campagne de diffamation de
rétablir le plus rapidement possible leur image et la perception que le public
et les dirigeants peuvent avoir de leur produits et services » Virginie
Bensoussan.
Aujourd’hui, ce qui est sidérant, dans notre
société, c’est la rapidité de diffusion de l’information. Information étant un mot presque trop élégant pour décrire la
cacophonie « des informations » en général et en particulier sur le
web, un média que l’on pourrait facilement s’amuser à définir par
« beaucoup de bruit pour rien » ! Sauf que ce n’est pas pour rien, car l’impact de ce
bruit est rapide et parfois meurtrier… Au moins pour la réputation de
certaines personnes ou organisations, visées à juste titre ou par pure
médisance. Encouragées par l’anonymat qu’offrent les différents supports
d’expression en ligne, les internautes en capacité de s’exprimer sur tout et tout
le monde se sont multipliés de manière exponentielle ces dernières années. Cet
environnement est donc plus que propice à des attaques portant atteinte à
l’image, la réputation et, finalement la vie des personnes.
C’est dans ce contexte que sont nées les
activités de nettoyage d’E-Réputation, car l’image que l’on donne sur le net est
devenue un enjeu majeur qu’il convient de maîtriser. Stéphane Alaux, Emmanuelle Hervé et Virginie Bensoussan-Brulé sont des experts du domaine, chacun dans
leur spécialité et, à eux trois, ils décident de constituer une task force au service de leurs clients.
Afin de préserver l’image de ceux-ci, ces trois experts s’allient aujourd’hui
pour le meilleur résultat, en mettant en commun leurs compétences. Qui sont les
personnes susceptibles d’être soutenues – voire « sauvées » – par
ce groupe d’intervention ? Ce sont les personnalités publiques, les
dirigeants de PME ou les entreprises du CAC40…. Les 3 intervenants peuvent répondre
à l’ensemble des problématiques liées à la réputation et surtout, ils savent se
mobiliser instantanément, pour faire face à une crise avérée et urgente.
Emmanuelle Hervé, spécialiste de la communication et
gestion de crise intervient avant, pendant et après la crise. Une fois les
propos diffusés et la crise déclarée, c’est l’expertise de l’avocate Virginie
Bensoussan qui entre en jeu afin d’identifier une action judicaire.
Mais son action vient également en appui direct de la communication. L’avocate
sera ainsi en mesure d’encadrer juridiquement les plans de communication de
crises pour éviter que ceux-ci ne soient sujets à des actions en justice pour
diverses raisons, par exemple des éléments de langages qui contiendraient des
propos pouvant être considérés comme diffamatoires.
Si l’action judiciaire permettant de
supprimer les contenus offensants ou diffamatoires n’est pas suffisante, c’est
le savoir-faire de Stéphane Alaux qui est sur le devant de la scène. Selon lui, « l’identité
numérique est primordiale pour une entreprise » et malheureusement, la
prise de conscience de cette problématique n’est pas encore assez vive en
France. En attendant le réveil des
consciences, il se chargera de nettoyer l’Internet de toutes les traces pouvant
entacher l’image d’une personnalité publique ou privée, dans le cadre de la
campagne lancée par la task force. Stéphane Alaux intervient via sa société
Net’Wash, dont il est le
dirigeant-fondateur et qui agit sur le Net depuis plus de 20 ans maintenant. Grâce au logiciel Viginet, développé en
interne, l’entreprise est capable de surveiller en temps réel le search, ce qui permet d’être
immédiatement informé de toute parution suspecte sur le client et d’agir
immédiatement en influençant positivement (Principe de la balance) des moteurs
de recherche comme Google.
Ces trois experts aux différents parcours,
s’unissent avec la même idée en tête : préserver au maximum l’image de
leur client pour assurer ainsi la continuité de leurs activités. En effet, leurs
expertises sont distinctes, complémentaires et chacune aussi nécessaire pour la
réussite du résultat attendu par le client.
La mini bio
d’Emmanuelle Hervé et son portrait en quelques questions
Ingénieure de
formation, elle commence sa carrière en Inde puis rejoins le groupe de chimie
américain DuPont de Nemours, pour
développer le marché MENA. A son retour en France en 2005, elle approche le
métier de consultant en gestion de crise qu’elle adopte depuis 2008. Elle a
fondé et dirige le cabinet EH&A
Consulting, spécialisé dans la gestion de crise.
Le cabinet
accompagne les organisations publiques et privées dans la gestion et la
communication avant, pendant et après une crise, afin de préserver la pérennité
de l’activité économique de ses clients, la réputation des marques et des
dirigeants.
Pourquoi choisir cette carrière qu’est-ce qu’elle vous
apporte sur le plan personnel ?
EH : Je suis ingénieure et j’ai passé 15 ans à
pratiquer ce métier dans une société américaine de chimie en sillonnant le
monde, mais je passais ma vie dans les avions… Vers 2008 j’ai voulu me poser et
me suis naturellement tourné vers mon histoire familiale, en effet je suis née
dans la « gestion de crise » car ma mère avait créé une des premières
agences indépendantes françaises de gestion de crise, spécialisée dans l’environnement
et la santé, pour la pétrochimie et le secteur pharmaceutique.
J’ai donc intégré l’agence et appris le métier sur le
tas !
A titre personnel, c’est un métier très gratifiant,
car on rencontre les gens sans faux semblant, le temps de la crise n’est plus
celui des masques et de vraies amitiés naissent des moments passés ensembles. Certes
mes clients sont stressés et parfois pas commodes, mais on est sur de vrais
enjeux, de survie de la société, de la réputation de la marque, du job du
dirigeant et c’est un challenge hyper motivant.
Comment définissez-vous la gestion de crise et la
E-réputation ?
EH : C’est un métier qui vient du domaine
militaire ; elle a ensuite été développée pour le civil et notamment pour
l’industrie de la pétrochimie par Charles Edelman aux Etats-Unis. En effet le
pétrole est une activité dans laquelle l’accident industriel est à la fois
probable et très impactant d’un point de vue humain et environnemental, de plus
les enjeux financiers liés aux cotations en bourse des acteurs majeurs ont très
tôt obligé cette industrie à intégrer la gestion de crise et la gestion de la
communication de la crise comme un savoir-faire essentiel à leur survie.
Aujourd’hui la gestion de la crise va couvrir
absolument tous les secteurs d’activité, public ou privé et ceci à cause de 2
facteurs principaux une judiciarisation immédiate et la caisse de résonnance
des réseaux sociaux.
Deux phénomènes ont amené les entreprises à prendre
conscience des risques liés à leur réputation. La première est l’arrivée de l’Internet
et surtout à partir de 2013, lorsqu’il est devenu conversationnel. Soudainement,
tout ce qui pouvait rester sous le tapis, pouvait être mis à jour et diffusé
largement jusqu’à atteindre les médias classiques. Avec Wikileaks et les révélations de Snowden, une autre étape a encore été passée : celle du
changement culturel, où tout un chacun s’est senti légitime pour devenir un
lanceur d’alerte.
Un autre changement majeur qui nous amené à adapter
notre métier à un monde très juridique : la crise des subprimes en 2008,
qui a conduit de nombreuses entreprises à fermer. Il a alors fallu gérer en
particulier la fermeture des sites industriels, avec tous les risques que cela
suppose : séquestration, destruction de matériel, chantage. Les Plans de Sauvegarde
pour l’Emploi sont aussi devenus un sujet de gestion de crise.
Sur la E-réputation en particulier, là aussi on voit
un changement, qui date des années 2013 – 2014. Avant, les crises étaient le
reflet de quelque chose qui s’était passé dans le monde réel. Par la suite, on
a eu à gérer des crises qui n’avaient aucun fondement réel. Il ne s’était rien
passé, pas de défaut produit, pas de pollution, pas de licenciement tout cela
n’était dû qu’à l’existence du web.
Diffamation sur Instagram
Ce phénomène a été accru par l’utilisation massive des
réseaux sociaux. Alors que les premières crises naissaient après un
évènement marquant imputable à la marque, à l’entreprise, ou à son directeur
général, des crises ont vu le jour à la suite d’un simple commentaire publié
sur un réseau social fréquenté. Dans le cas crée un véritable bad buzz avec des
conséquences, humaines, business, réputationnelles réelles. L’affaire a été
compliquée et la marque a mis des semaines à s’en remettre. Ces changements
majeurs ont amené les entreprises à prendre les mesures nécessaires et nos
métiers à se réinventer.
Finalement, le bad buzz peut être à l’origine d’une
crise ou sa conséquence. Bien évidemment, la crise laisse des traces sur
internet et ce sont ces traces qui alimentent la crise d’E-réputation. Dans
notre jargon, nous parlons de « casier médiatique » et les conséquences
sont particulièrement graves pour une entreprise. Le droit à l’oubli ne
fonctionne pas bien ! Un buzz peut naître en août 2020 et la société sera
en liquidation judiciaire en août 2021 car la majorité de ses ventes se fait
via internet. Il faut donc s’y préparer et s’armer.
A quels stades de la crise intervenez-vous et dans
quelles mesures vos métiers à tous 3 sont-ils complémentaires ?
EH : Nous intervenons tout d’abord « en temps de paix »
, à ce stade ce sont plutôt des entreprises d’une grande taille, voire des
multinationales cotées qui ont besoin de s’armer, de s’organiser à
l’éventualité d’une crise. On va écrire un plan de crise, former les membres de
la cellule de crise et entrainer l’entreprise par des exercices de simulation.
L’autre
type d’intervention est « à chaud ». Il y a des crises à cinétique
lente ou rapide. La cinétique rapide, c’est l’explosion. Mais le plus souvent
les cinétiques sont plus lentes : on sait qu’une chose peut sortir mais on
ne sait pas où et quand. Par exemple, si vous avez Elise Lucet ou L214 tournent
autour de votre activité.
Nous
intervenons auprès de la direction générale et de son comité de direction pour
faire face aux conséquences d’un retrait produit, d’un fait de corruption, d’un
chantage, d’un bad buzz, d’une violence au sein de l’entreprise, d’un attentat
etc.
Dans le
cas où l’entreprise n’est pas armée d’une cellule de crise, nous allons prendre
en main les premières actions et dérouler la méthode de gestion de crise afin
d’en déduire la meilleure stratégie de réponse à la crise, que nous déclinerons
par une tactique de communication de crise vers les parties prenantes de
l’entreprise.
Enfin
nous intervenons également pour accompagner les procédures collectives, PSE, RJ
et fermeture de site industriels.
Nos 3 approches sont complémentaires car, même si la
gestion de crise donne la méthode qui permet au plus près de combattre les
impacts de la crise, et de coordonner les corps de métier, il sera nécessaire
de faire intervenir un avocat pour se défendre des attaques juridiques
possibles (plaintes des clients, compliance RGPD, respects des contrats
commerciaux, diffamation). Enfin la crise va laisser derrière elle un
« casier médiatique », qui peut être extrêmement nuisibles aux
personnes physiques et à la marque, il conviendra donc de
« nettoyer ».
L’accroissement
des outils numériques et la massification des échanges est un fait. Quelle
influence sur vos métiers ?
E.H : Rien ne disparaît
vraiment, chaque occurrence peut être retrouvée… Ce sont donc les suites de
crise (justifiée ou non) qui sont difficile à appréhender et qui demandent donc
des outils supplémentaires pour soutenir nos clients. En effet, comment peut-on
s’en sortir quand on est dans le cas où l’on a été condamné, que l’on a purgé
sa peine et qu’on recherche un travail… Trop facile de trouver les antécédents !
Avant, l’employeur se fiait plus à la réalité du moment et à la personne qu’il
avait en face. Si vraiment, ensuite, il avait un doute, il lui fallait aller
dans les archives des journaux pour vérifier des infos. Aujourd’hui, il a déjà
tout sous la main avant d’avoir vu la personne…
Le
phénomène et le danger est augmenté par le fait que nombre de dirigeants
d’entreprise ou personnalités politiques ont une mauvaise compréhension du web
conversationnel, le néglige ou en ont peur, ou les deux.
Pouvez-vous
nous donner un exemple de crise bien gérée et 5 conseils pour prévenir ou
endiguer une crise ?
Les crises bien gérées ont ceci en commun qu’elles ont
été identifiées à temps et que l’entreprise à fait montre de transparence et
d’empathie à tous les stades.
Commençons par ne pas aggraver la crise et ne pas
tomber dans ce que j’appelle les 7 péchés capitaux : la tactique du bouc
émissaire, les abonnés absents (no comment), l’arrogance, la stratégie du
contre feu, la globalisation, la victimisation et la réponse juridique.
La stratégie juridique est indispensable mais ce n’est
pas une stratégie de communication. La réaction de l’entreprise ne doit jamais
être établie dans un langage juridique par des avocats car elle apparaît
toujours comme défensive, donc agressive et il ne faut jamais commencer par
attaquer. La stratégie juridique et la stratégie de communication doivent être
alignées pour ne pas se contredire… C’est là où notre action est importante
car très (trop) souvent communiquant et juriste ne sont pas d’accord, n’ayant
pas les mêmes enjeux, pas le même temps…En revanche, intégrer une stratégie
juridique est indispensable car on doit regarder la crise au travers de ce
prisme : il faut se demander quelles sont nos obligations, quels sont les
risques juridiques, ce qui peut se passer par la suite, y a-t-il une
jurisprudence….
La mini bio de
Stéphane Alaux et son portrait en quelques questions
Véritable
autodidacte au parcours varié allant de la cuisine à la communication en
passant par le droit et l’économie, Stéphane
Alaux s’est intéressé au web dès son avènement, alors qu’il était en
Angleterre. Il est ainsi devenu un spécialiste de ce nouvel univers et vite précurseur
sur les solutions visant à protéger et défendre les entrepreneurs sur le web. Emettant
des avis tranchés sur le sujet d’un web à la marge depuis l’avènement du web
2.0 (ou web conversationnel) il avoue faire passer l’intérêt des entreprises
avant le respect de cette pseudo éthique
qui, pour lui, n’existe pas… Il est
spécialisé depuis 20 ans en identité numérique, search marketing et business
digital.
Spécialiste avéré
du référencement sur Internet, il dirige depuis 2012 la société Net’Wash, qu’il
a fondée et se positionne dans la durée comme le leader dans le domaine de la E-réputation
en France.
Stéphane Alaux :
Quand intervenez-vous en cas de crise
E-réputationnelle ?
Dans la
mesure où les actions de prévention, très importantes, ne sont que très
rarement mises en place, nous intervenons le plus souvent en bout de course,
pour gérer les traces numériques. Nous éteignons les feux…
Une crise
d’E-réputation est une perte de contrôle de son image, avec un déséquilibre
entre ce que je dis de moi et ce que l’on dit de moi. On connaissait déjà ça dans
la vraie vie, mais là on parle d’Internet, ce fameux continent du « tout
est possible » et surtout du « tout restera chez moi »…. Je
considère qu’on peut parler de crise à partir du moment où en première page de
Google, la proportion de ce que disent les autres sur moi est plus importante
que je dis sur moi. Lorsque la crise est d’une ampleur internationale, l’information
est diffusée en volume considérable. Il est possible que l’on puisse tenter de
maîtriser cela de manière préventive, mais c’est bien rare et c’est donc le
plus souvent à posteriori que les
actions commencent…
Il a
seulement 2 options. Soit le problème existe vraiment et donc les traces
numériques sont inévitables, soit le problème n’existe pas mais il a été
inventé pour être posté sur Internet et là c’est encore pire, puisque
l’intention elle-même est mauvaise…. La massification des médias digitaux ne
fait qu’accroître l’ampleur d’une telle crise et les premières répercussions
sont immédiates.
La
société Net’Wash intervient à ce stade et je dois dire que près de 95% du
chiffre d’affaires de notre société se fait lorsque la crise est passée. A mon
grand dam, car je sais qu’en faisant de la prévention et des actions en amont,
on pourrait grandement limiter les dégâts… Mais l’insouciance règne encore au
joli pays d’Internet et la chute est très dure. Notre job est de maîtriser rapidement les
conséquences et, dans la mesure du possible, essayer de contrarier le courant
des événements…
Comment la E-réputation est gérée aux USA ?
Les américains sont extrêmes
procéduriers, ils ont une gestion très différente de la nôtre. Si vous dites du
mal de quelqu’un, on va vous demander des millions de dollars de dommages et
intérêts… En France, ce sera 500 ou 1000 €, parce que la diffamation n’est
pas prise au sérieux. Le droit Français et Européen n’est pas vraiment adapté à
ces nouveaux comportements. Pour avoir du poids et faire respecter la E-réputation
de son entreprise, il n’y a pas vraiment d’outils. Nous sommes aussi victimes
de ce que j’appellerais l’esprit latin : on est capable de marcher avec un
caillou dans la chaussure. Les entreprises continuent de fonctionner malgré une
mauvaise image, elles ne sont pas affolées.
L’esprit américain peut s’étendre à
tous les Anglo-Saxons, qui prennent l’E-réputation très au sérieux, comme la
« réputation » tout court… En France, malheureusement, les
entreprises ne prennent pas conscience qu’il est aujourd’hui incontournable, voire
de l’ordre de la survie, de maîtriser et contrôler leur image sur internet.
Lorsqu’on parle d’investir dans l’E-réputation, le responsable digital est
méfiant. On lui alloue un budget pour une mission précise (qu’il a souvent
lui-même planifiée et soumise à sa direction) et cette mission ne comprend pas
de poste E-réputation. De fait, ajouter une charge supplémentaire au budget
initial n’est pas possible. S’il veut vraiment ajouter ce volet aux autres
postes de sa mission, il devra amputer son budget initial. Il est donc réticent
et a tendance à mettre l’E-réputation de côté. Par ailleurs ses enjeux ne sont
pas les mêmes que ceux du dirigeant. Avec le développement du digital, il
pourra très facilement changer d’entreprise, en cas de problème. Le dirigeant subira
quant à lui de plein fouet les conséquences de son inconséquence !!! Celui
qui a tendance à déléguer la E-réputation doit véritablement s’en saisir, car
il est directement concerné par cette problématique. Comme les Relations presse
hors produit, la E-réputation devrait prioritairement être validée par le
dirigeant et non s’arrêter aux services communication, marketing ou digital…
Car lorsque la crise est là, c’est le dirigeant qui paie le prix fort de la
chute de chiffre d’affaires, pouvant aller jusqu’à la faillite.
Par ailleurs, certaines entreprises
continuent d’investir massivement dans des campagnes de pub télé alors même que
leur réputation est catastrophique. Elles assistent à un véritable déséquilibre
entre l’investissement et le retour sur investissement. Pour moi,
l’E-réputation est la réponse à cet écart. Aujourd’hui les gens se ruent sur
internet et l’identité numérique est primordiale pour une entreprise. Il faut
comprendre qu’une crise, même bien gérée, continuera sur le Web ; si
aucune mesure n’est prise, l’entreprise peut courir à sa perte.
Quels sont les outils dont
vous disposer pour prévenir, surveiller et contrôler l’E-réputation d’une
entreprise ?
Nous
avons créé notre propre outil « Viginet ». Développé en interne sur la
base des besoins bien connus du fait de notre expérience, nous l’avons
construit pour surveiller le search* en temps réel. Nous avons également une
base de données énorme nous permettant de trouver des informations qui ne sont
pas encore annexées sur Google ; nous allons chercher des informations
dans des forums avant que Google ne les ait annexées ; cette action peut prendre quelques jours mais
elle permet de trouver beaucoup plus rapidement des éléments recherchés, cette
base de données étant en constante évolution. L’objectif est principalement d’avoir
un outil de surveillance efficace pour surveiller le positif et le négatif sur
les mots clés que l’on va rentrer sur ce logiciel. Bien sûr, nous utilisons
aussi « SEMrush », mais cet outil du marché, extrêmement performant mais global
nous propose 80% d’éléments que nous n’utilisons pas. Nous ciblons nos actions
et c’est pourquoi nous avons préféré bâtir notre outil, qui correspond
exactement à nos attentes.
*Ce qu’on trouve sur Google.fr en fonction des mots clés. Le
résultat étant appelé Search Engine Results Page.
Comment s’articule
l’intérêt du consommateur et la nécessité de préserver l’image d’un client ?
Notre
mission est d’aider le client à préserver son espace de travail. On ne cache
pas la vérité et il n’y a aucune forme d’obligation : l’intérêt du
consommateur dépend de ce qu’il recherche. Nous souhaitons simplement que l’entreprise qui se met en
scène commercialement sur le web puisse maîtriser cet espace qu’est sa « première
page ». Nous travaillons à accompagner l’entreprise, dans son intérêt.
A quels stades de la crise intervenez-vous et
dans quelles mesures vos métiers à tous 3 sont-ils complémentaires?
Nous sommes contactés une fois que la crise est déclenchée.
C’est très long de nettoyer le search, notre métier ayant une certaine inertie.
En revanche notre intervention sur les Google news est différente. Le
traitement, l’ensevelissement et la récupération de l’image n’est pas le même.
Pour y parvenir il faut utiliser des surfaces accréditées Google news. On peut
donc intervenir au même moment qu’Emmanuelle et Virginie, mais ce sont elles
qui nous donne le tempo et qui déclenchent l’action.
Pour le search, ce sera plus long, cela peut durer des mois.
Il est extrêmement facile de dire du mal en publiant. Lorsqu’il n’y a pas eu de
construction de digues digitales, il
faut bloquer le contenu négatif ou diffamatoire en imposant un autre contenu
positif. On arrive ainsi à faire autorité sur les 10 premiers résultats et même
les 2 premières pages. Dans ce cas le travail est plus compliqué…
L’accroissement
des outils numériques et la massification des échanges viennent elles compliquer
votre métier ?
On ne peut intervenir sur les réseaux sociaux, ce sera le
travail du juriste. Les RS n’ont pas forcément d’impact sur notre métier de
base. Ce qui est nouveau, c’est que tout le monde est un communicant en force
(et croit réellement l’être), c’est donc un véritable souci, d’autant que l’anonymat
est quasiment imposé. On parle des réseaux sociaux, mais n’importe quelle
surface de communication donnant des avis (quechoisir.fr) peut être une véritable catastrophe pour la
marque.
Est-il possible de restaurer complètement une réputation
entachée ?
Sur les deux premières pages de Google, oui. Un internaute
qui cherche le nom du dirigeant de la marque incriminée et l’évocation de
l’affaire qui le concerne, trouvera l’information, ailleurs. Mais naturellement
et en début de recherche, il trouvera seulement les informations basiques et
neutres ou positives sur le sujet. Notre métier ne consiste pas à supprimer ou
maitriser la totalité de l’information dans Google. Nous agissons en sorte que
la première page d’une entreprise sur Google, qui est un espace de travail,
soit vierge d’élément négatif. Notre action est importante pour préserver l’avenir
d’une entreprise et s’assurer qu’elle puisse continuer à fonctionner, pour sa
santé financière, la sauvegarde de ses équipes et la pérennité de ses
activités.
La mini bio de Virginie
Bensoussan Brulé et son portrait en quelques questions :
Avocate à la Cour
d’appel depuis 2006, Virginie dirige le pôle contentieux numérique au sein du
cabinet Lexing Alain Bensoussan Avocats, qu’elle
a rejoint en 2006.
Ses domaines de
prédilection sont le conseil et le contentieux en droit de la presse, en droit
pénal du numérique et de l’informatique, en contentieux de l’Internet et en
contentieux Informatique et libertés et bien sûr, ses spécialités sont au cœur
des préoccupations liées aux atteintes à la e-réputation et aux litiges
internet de toutes natures. Elle a été nommée Best Lawyer dans la catégorie Information
Technology Law de l’édition 2019 du classement de la revue américaine Best Lawyers.
Mes
2 parents sont avocats et notre cabinet est familial puisque je l’ai intégré il
y a 14 ans et que mon frère Jérémy nous a rejoints à la fin de ses études
d’ingénieur, il y a 6 ans… Nous avons un peu « élargi » la
famille, avec aujourd’hui 80 avocats et des
actions sur les 5 continents.
En quoi la maîtrise de la E réputation
est-elle primordiale ?
Au
sens juridique, le terme réputation s’applique
aux personnes physiques ; sur le web on parlera plutôt d’atteinte à la considération professionnelle pour
les personnes physiques et, pour les produits ou services, il s’agit de critique de produits ou services et on
parle de dénigrement.
Les entreprises et les dirigeants doivent absolument
savoir ce qui se dit sur eux et sur leurs produits. Du fait de la rapidité de
propagation de l’information sur Internet et également de sa durabilité, c’est
grave. Ce genre d’incident peut créer un climat de défiance de la part des
collaborateurs, mais aussi des clients, des autorités de tutelles, etc… Ils
doivent donc être vigilants et prendre les mesures nécessaires, qu’elles soient
judiciaires ou non, pour rétablir leur image vis-à-vis du public. Dans le cadre
d’une atteinte à la réputation, il n’y a que 3 mois pour agir en judiciaire, à
compter de la première mise en ligne de propos injurieux ou diffamatoire. Pour
le dénigrement, on a 5 ans. Pour les délits de presse, il y a également 3 petits
mois pour agir. Cela nécessite que les entreprises mènent des actions de veille
et que, en cas d’incident, elles choisissent les actions à mettre en place :
cela peut être de ne rien faire, mais elles peuvent aussi tenter de neutraliser
le contenu par l’action d’une agence d’E reputation comme Net Wash ou tenter
d’obtenir le déréférencement… Il faut aussi identifier la personne à
l’origine des propos diffamatoires et il faut bien savoir que, dans la grande
majorité des cas, l’auteur sera soit un salarié ou un ancien salarié, soit concurrent.
Sur un plan judiciaire, on s’adresse aux Prud’hommes
quand c’est un salarié et au Tribunal de
commerce pour le concurrent déloyal.
Au sein de la Task Force, comment interviendrez-vous ?
L’intérêt
de cette alliance de 3 expertises, c’est que les entreprises, les personnes ou
les organisations qui rencontrent un problème de cette nature vont entrer dans
le sujet par l’une de nos 3 structures. Chacun d’entre nous ayant l’exacte
connaissance de l’activité des autres va savoir qui contacter en priorité. Pour
ma part, si mon cabinet est contacté directement, je vais intervenir une fois
que les propos ont été diffusés et que leur impact négatif s’amplifie. Je vais d’abord
identifier une action judiciaire et voir si elle est opportune et faisable. Si
ce n’est pas le cas, je conseillerai le client et l’orienterai vers l’agence de
E-réputation pour tenter d’enfouir les contenus. Si l’action judiciaire et primordiale
et opportune, je vais poursuivre en justice et demander des réparations
pour préjudice moral.
Si la campagne de dénigrement devient diffamatoire
au point de créer une situation critique, je vais accompagner les clients et
leur conseiller une agence de communication de crise pour valider des plans
médias, en communication interne entreprise et à l’externe envers les médias,
réseaux sociaux, etc. Des scripts seront formatés pour les services clients. En
coopération avec l’agence de communication de crise, je valide le contenu des
messages publiés par l’agence, afin d’éviter qu’à son tour la réponse ne soit
pas elle-même porteuse de messages potentiellement dénigrants. Il ne faut pas évidemment,
que la communication de crise se retourne contre le client.
En amont, j’accompagne nos clients pour former leurs
collaborateurs ou agents à respecter la loi quand ils s’expriment au nom de
leur entreprise, ou à titre personnel mais en évoquant leur vie professionnelle
sur un réseau social ou lors de n’importe quel type de communication impliquant
l’identité de l’entreprise.
En quoi cette coopération
tripartite est-elle plus efficace pour les clients ?
Dans les situations les plus complexes et graves sur
le plan réputationnel, la conjugaison de nos 3 expertises peut permettre aux
sociétés victimes de campagnes de diffamation ou dénigrement de rétablir rapidement et durablement l’opinion publique
sur leurs dirigeants et leurs produits et services. Ce qui compte, c’est de rétablir
l’image de la marque, de la structure et de ses dirigeants dans l’esprit du
public, au sens large. Si je pense aux banques, par exemple, leur autorité de
tutelle est la CPR à qui ils rendent des comptes et ils ne peuvent donc
absolument pas se permettre de ternir leur réputation.
On se trouve démuni face à ce type de comportement,
mais il est assez facile d’identifier les auteurs des propos diffamatoires quand
ce sont des salariés ou des concurrents, car ils ne savent pas très bien se
cacher… Il est donc assez facile
d’intervenir et obtenir réparation par la justice civile ou pénale.
Je
souhaite ajouter un point que je trouve très important, car mal appréhendé par
le public, c’est la relation légale avec les plateformes américaines (FB,
Twitter etc..). C’est important car tout le monde les utilise !! Elles
coopèrent avec la justice française, sous réserve toutefois qu’on aille au-delà
de la simple mise en demeure. Mais, dans le cas où des contenus diffamatoires
sont postés sur leur plateforme, elles exécutent, sous certaines conditions
bien sûr, les décisions de justice qui sont rendues à leur encontre, même
étrangères.