L’oeil de l’expert : l’incendie de Saint Chamas
Le 26 décembre 2021, un incendie se déclare dans un centre de stockage de déchets non-dangereux géré par l’entreprise Recyclage Concept 13 dans la commune de Saint Chamas, dans les Bouches-du-Rhône. Un long mois plus tard, le feu sera enfin éteint. L’accident ne décompte aucune victime directe malgré un incendie qui aura duré plus d’un mois. L’entreprise gérant le centre de déchets, Recyclage Concept 13, a été mise en cause pour le non-respect de diverses réglementations et un impact important sur la santé publique.

L’incendie a nécessité l’intervention d’environ 60 pompiers équipés de 35 véhicules pour tenter d’en venir à bout pendant plusieurs semaines. Néanmoins, la qualité de l’air s’est fortement détériorée et la concentration de particules fines a atteint les 800 μg par m3. Un niveau comparable à ce que l’on peut mesurer à Pékin. Le maire de Saint Chamas, très affecté par l’événement, a été contraint d’interdire les récréations et le sport en extérieur à certaines heures de la journée. « C’est une catastrophe sans commune mesure, si une personne tombe malade, je ne m’en remettrai pas. » a-t-il déclaré. Face à l’ampleur de l’incendie, la préfecture a ordonné la démolition immédiate de l’entrepôt le 5 janvier 2022 et a ordonné le déplacement de 6 000 tonnes de déchets, seule solution pour faire cesser la fumée.



Les habitants ont lancé une pétition, déjà signée par environ 24 000 personnes, dans le but de demander l’extinction immédiate de l’incendie ainsi qu’une expertise sur la pollution et son impact sur la santé. La commune de Saint Chamas déposera plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement. Il a été proposé aux habitants de Saint-Chamas estimant avoir été impactés par les conséquences du sinistre, de se joindre à cette plainte. L’association France Nature Environnement a, de son côté, déjà déposé plainte fin janvier pour trois infractions : pollution de l’air, de l’eau et non-respect des règles gérant les installations classées protection de l’environnement.
La communication la plus active sur les réseaux sociaux a été celle des pompiers des Bouches-du-Rhône qui ont tweeté régulièrement à propos des évolutions de l’incendie. La couverture médiatique, d’abord locale, est devenue nationale, avec de très nombreux articles et de reportages télévisés. La très longue durée de l’incendie a suscité de nombreuses réactions et critiques sur les réseaux sociaux. La préfecture des Bouches-du-Rhône a communiqué sur les actions prises notamment sur Twitter et l’entreprise a été largement critiquée.
D’autre part, l’entreprise pourrait se voir mise en cause pour écocide, comme cela est prévu dans la loi Climat ; les dirigeants pourraient être condamnés au pénal. L’entreprise ayant dû arrêter ses activités à Saint Chamas, sa réputation ne peut plus facilement être salie. Néanmoins, elle se retrouve face à un risque juridique réel, pouvant aboutir à des peines de prison, des amendes et des dommages et intérêts. Le délit d’écocide peut en effet être puni de 10 ans prison et de 4,5 millions d’euros d’amende.

Incendie au sein de la société GDE qui détruit des voitures en fin de vie sur le port autonome de Limay.
Si le cas de Recyclage Concept 13 semble isolé, nombreuses sont les entreprises de petite et moyenne taille qui négligent le fait d’avoir une réflexion sur les crises éventuelles en amont, sur des actions à prendre dans l’éventualité d’une crise, de l’anticiper et de savoir y réagir au mieux. En ce qui concerne les déchetteries en particulier, de nombreux sites sont sujets aux incendies comme ça a été le cas à Limay en 2020 ou encore à Quimper le 22 février dernier. Il émerge de l’entreprise de nombreuses erreurs de gestion de la crise et surtout de communication. L’entreprise, absolument pas préparée à un événement du type, a réagi extrêmement tardivement à l’accident, laissant ainsi les personnes touchées par les conséquences, surtout en matière de santé, dans un flou absolu. D’autre part, cette communication apparaît comme égoïste, tournée vers l’entreprise qui minimise presque les faits et se place en position de victime. L’entreprise, par le non-respect de normes et de réglementations, met en danger la santé de centaines voire milliers de personnes : “On respire des fumées toxiques toute la journée et en plus, on nous traite comme des parias” s’exclame le responsable commercial de Recyclage Concept 13, illustrant parfaitement la stratégie de victime adoptée. Ce manque manifeste de compréhension et d’empathie vis-à-vis des victimes et des riverains est sans aucun doute le point le plus problématique de la communication réalisée. D’autre part, on peut remarquer l’absence totale de remerciements effectués publiquement quant au travail des très nombreux pompiers venus éteindre l’incendie.
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